La culture de l’emploi au Royaume-Uni, pas si facile !

« -Qu’est-ce que c’est ?
– Nous devons obtenir le laissez-passer A38.
– Immatriculer une galère, non on vous a mal dirigé, vous devez vous adresser à la capitainerie au port !
– ?! Non, nous ne nous voulons pas immatriculer une galère, nous voulons le laissez-passer A38.
– Le port, vous le trouverez en bas de la ville, c’est au bord de l’eau, vous ne pouvez pas vous tromper !
– Mais nous ne voulons pas le port, nous voulons le laissez-passer A38 !
– ??
– LE LAISSEZ-PASSER A38 !
– Ah, ne criez pas ! En voilà des manières ! Où vous croyez-vous par Jupiter ! Adressez-vous au Guichet 1, couloir de gauche, dernière porte à droite, non mais. »

Et moi qui, au Royaume-Uni, pensais pouvoir échapper à cette fameuse scène d’Astérix et Obélix dans la maison qui rend fou, cette satire grandiose de l’administration, je ne connaissais pas encore leur goût pour les formulaires…

dsc_1471Je me suis inscrite au Job Centre du quartier de Beswick, près du lieu où je loge, le 18 février et m’y rends environ toutes les deux semaines pour faire le point sur ma recherche d’emploi. Je cherche un petit job ou un emploi qui requiert de parler aussi français, dans un premier temps. Je ne cherche pas nécessairement un emploi dans la communication et le fundraising, mon précédent domaine de compétences, en France. Cela demanderait un excellent niveau d’anglais écrit et oral. Mon objectif en arrivant ici était d’élever mon niveau anglais ! Si j’ai l’envie d’un nouveau défi, alors pourquoi pas, étape par étape !

Grâce à mon colocataire et propriétaire de la maison où je vis, je travaille bénévolement depuis un mois et demi, chaque lundi, dans le café de l’église de mon quartier (Beswick) et j’ai même pu bénéficier d’un cours d’anglais gratuit (j’espère pouvoir réitérer l’expérience bientôt ! ) avec Lila, l’adorable femme de Geoff, le chef cuisinier « rider » que j’évoquerai encore plus tard !

Je passe un certain nombre d’entretiens tous plus différents les uns que les autres. J’en ai d’abord rapidement obtenu dans deux entreprises de marketing très étranges qui proposent un travail de vente en porte-à-porte et payé à la commission. Dans ces entretiens, on croise beaucoup d’étrangers susceptibles d’éprouver des difficultés à trouver un travail. Il ne s’agit pas d’une simple différence de culture de travail mais bien d’un marché qui s’appuie sur un code du travail très libre. Deux entretiens sont organisés. Le premier est souvent très bref et consiste en une première prise de contact avec un premier formulaire administratif à compléter puisque la candidature en ligne ne requiert que l’envoi d’un CV. Les deuxièmes entretiens sont beaucoup plus… surprenants.

Lors du premier entretien, j’arrive au milieu d’une salle d’attente avec deux standardistes et plusieurs candidats assis qui remplissent des formulaires administratifs. Les standardistes s’intéressent aux candidats et demandent ce qu’ils ont fait de leur weekend. Je comprends rapidement qu’elles cherchent à savoir si on est à l’aise, ouvert et communicant. Je me prends au jeu et si mon anglais n’est pas parfait, surtout à cette période là, ce que je pense être mon handicap me force à communiquer plus que d’autres pour compenser et je ne m’en sors pas si mal. Je rencontre le recruteur qui m’explique rapidement le travail et remplis un formulaire. Lors du second entretien d’embauche, j’ai l’impression d’être dans une entreprise à l’américaine lors de la réunion d’équipe du lundi matin. Je remplis de nouveau un formulaire avec les mêmes informations administratives que la fois précédente et mes motivations pour le poste. Cette réunion est destinée à motiver les employés, à base de cris en chœur d’enthousiasme exacerbé, de répétitions des règles de vente et de succession des discours très corporatistes des promus de la semaine. Bref, un changement radical par rapport à tout ce que j’ai connu jusque là en France mais pourquoi pas !

Cette expérience était plutôt ludique et intéressante, contrairement à la deuxième ! Pour le premier entretien, je me rends à l’étage de l’immeuble où les bureaux des entreprises sont partagés et l’entreprise qui m’a conviée à un l’entretien est indiquée par un Kakémono. Les bureaux sont très vides, avec seulement deux pièces et quelques tableaux Velleda sur le mur. On me dit de descendre d’un étage et de remplir un formulaire, évidemment. J’y rencontre Maxime, un français que je vois désormais régulièrement. Après un premier bref entretien à la fin de la journée, administratif et très impersonnel où l’on apprend absolument rien de l’entreprise même après questionnement car la langue de bois est une compétence essentielle chez la chargée de recrutement/fondatrice de l’entreprise, j’ai été conviée à un deuxième entretien pour le moins déroutant, dès le lendemain matin, de bonne heure ! A l’heure du rendez-vous, dans le couloir, je me demande si je suis au bon endroit : musique très forte, ambiance de soirée électro à Ibiza. La porte est fermée mais une fenêtre donne sur la salle de réunion où j’aperçois une dizaine de jeunes, visiblement en pleine séance de formation dans l’ambiance reconstituée d’un événement. Car il s’agit de vendre des produits lors d’événements. Je remplis un deuxième formulaire administratif (vous l’aurez compris !) avec, une nouvelle fois, mes informations personnelles déjà indiquées lors du premier entretien mais en plus je dois signer un document qui m’explique que j’accepte de suivre une formation non rémunérée pendant une journée.  La musique est si forte qu’avec la jeune femme à mes côtés, nous nous interrogeons sur le sérieux de cette entreprise. Nous décidons d’obtenir plus d’informations de la responsable qui nous indique que nous aurons bien une formation toute la journée au terme de laquelle nous saurons si nous sommes embauchées. Si la jeune femme avait reçu un mail qui lui conseillait d’apporter des chaussures plates car elle pourrait rester debout un certain temps lors de cet entretien, je n’ai, pour ma part, jamais eu ces informations. Nous devons décider le jour même. Face à tant d’interrogations et un sentiment de malaise et d’insécurité malgré les très marketing « my love » de la chargée de recrutement à mon égard pour me rassurer, nous décidons de partir et d’aller boire un café pour apprendre à nous connaître. Cette jeune femme est portugaise et s’appelle Ana, nous nous voyons aussi encore régulièrement. Si, ces deux entretiens ont été des expériences assez déconcertantes elles auront été géniales pour faire surgir la solidarité entre jeunes étrangers de même situation et me faire deux de mes amis ici, Maxime et Ana !

S’il était évident que je chercherais pas à obtenir le travail de la deuxième entreprise, j’ai hésité à accepter le travail de la première (vente de produits alimentaires et collecte de fonds pour des associations) qui semblait plus sérieuse. J’ai finalement décliné l’offre lorsque le manager m’a précisé que je devais partir une semaine à Londres pour une formation dont les frais n’étaient pas tous pris en charge. Job Centre ne conseille pas non plus ce genre d’entreprises et a confirmé mon sentiment.dsc_1494
En revanche, je suis allée à un entretien de 50 minutes, très sérieux, dans une entreprise de location de voitures, le numéro un en ligne. Si je n’ai pas obtenu le job parce qu’un candidat avait déjà travaillé dans un service clients auparavant et que mon anglais n’était certainement pas aussi fluide qu’aujourd’hui (même si je dois continuer à l’améliorer !), cet entretien m’a permis de prendre conscience que j’étais capable de communiquer en anglais dans un contexte professionnel.

J’ai plusieurs fois été contactée par des recruteurs pour des emplois dans des services clients qui parfois requéraient de parler français mais j’avais de grandes difficultés à comprendre certains accents. Un travail dans un service clients reste encore un peu ambitieux, la multiplicité des accents anglais est incroyable ! J ‘ai passé un entretien dans un fast -food. Après un entretien classique autour de mes motivations et compétences, j’ai passé « un test » de trois heures non rémunérées dans un rythme de travail très rapide. Il s’est bien passé mais il n’y avait qu’une place pour 5 candidats, la loi du plus fort dans chaque domaine ! Le système anglais permet aux employeurs d’avoir de la main d’œuvre gratuite régulièrement avec ce genre de tests autorisés. Certains ici qualifient tout de même cette pratique d’esclavagisme. Cette expérience était au moins l’occasion d’observer une partie de la culture du travail au Royaume-Uni !

Je réponds régulièrement à des offres et ai publié profil et CV sur des sites de recrutements, réseaux sociaux et site web de l’Alliance Française de Manchester. Une vendeuse m’a confié que les recruteurs éprouvent des difficultés à recruter des candidats passionnés car c’est peut-être la contrepartie de ce système de turn-over élevé dans les entreprises, que d’être confrontés, parfois, au manque de personnalité de candidats adaptables mais interchangeables, habitués à changer de travail très vite.Dernière piste en vue : les agences de recrutement. J’ai des contacts avec deux recruteurs mais se faire connaître dans plus d’agences semble être une bonne idée !

Ma difficulté ici n’est plus réellement la langue, pour trouver un petit travail du moins, mais davantage ma méthode de recherche car ici pour répondre à une offre, il est nécessaire de remplir une multitude de formulaires répétitifs (surprenant, n’est-ce pas ?) et questionnaires-tests, que ce soit en ligne (comptez 3h parfois) ou dans les entretiens d’embauche. On peut rapidement s’y perdre et y passer beaucoup de temps pour n’envoyer finalement que peu de réponses aux offres d’emplois. Il est aussi possible de n’envoyer qu’un CV, paradoxalement, à partir des sites web de recrutement mais ceux-ci, par la simplicité du processus de réponse à une offre, multiplient le nombre de candidats.

C’est l’ensemble de ces expériences, ces trois derniers mois, qui font qu’aujourd’hui je suis toute proche de trouver un travail. C’est vraiment excitant ! Je me suis facilement intégrée à la vie locale. Il y a, à proximité de ma colocation, une bibliothèque, une salle de sport et l’église dans laquelle je travaille bénévolement.  J’ai fait de nouvelles connaissances et expérimenté la solidarité locale. J’adore mon expérience ici.

Information de dernière minute : je viens d’obtenir un petit travail ponctuel !
J’avais oublié d’en parler mais le réseau est vraiment important ! Si j’ai pu avoir un travail bénévole, c’est grâce à mon colocataire qui m’a proposé de venir à la messe, le dimanche, pour entendre un bon niveau d’anglais. Même si je suis athée, j’ai trouvé que c’était une bonne idée et notamment pour voir comment la messe est organisée ici. J’y ai rencontré le chef du café de l’église. Et c’est lors de ce travail bénévole que j’ai rencontré le manager d’un centre de loisirs voisin du stade. Il m’a dit qu’il m’appellerait si besoin pour travailler à la réception et entretenir les locaux. Je suis allée à un entretien informatif aujourd’hui et à priori, ce petit travail, associé à mes économies devrait me permettre de prolonger mon séjour ici !

One thought on “La culture de l’emploi au Royaume-Uni, pas si facile !

  1. Great news! Congrats!

    Surprenant en effet ces nombreux formulaires à remplir. Autant l’Angleterre est connue pour sa flexibilité (et précarité) de son monde professionnel, autant je ne crois pas qu’elle le soit pour la lourdeur administrative de ses recrutements…

    J’ai adoré ta référence à Astérix, d’autant plus que j’ai pensé exactement à la même la semaine dernière lors d’une demande de visa pour la Chine. Ils m’ont fait revenir 3 fois et trouvaient toujours un nouveau document à me demander (tout ça pour 4 jours de tourisme seulement….). En même temps j’aurai dû m’en douter dès le début. Le formulaire que j’ai rempli et que j’avais trouvé sur le site internet officiel n’était plus valable. Ils l’ont remplacé par un nouveau. Un nouveau qui date de…. 2013 ! Bah oui, 3 ans c’est un peu juste pour mettre à jour le site internet. Héhé 🙂

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