« Proximity » de Garry Stewart, l’exploît d’une réflexion, chorégraphiée, sur la réalité multiple

Avec Proximity, le directeur artistique de l’Australian Dance Theatre et chorégraphe, Garry Stewart, lucide quant à l’illusion réaliste – l’illusion d’une seule perception de la réalité – donne au public un point de vue supplémentaire du réel grâce à la présence d’une caméra que les danseurs manipulent. Même si l’on est contraint d’observer soit la scène, soit l’écran sur lequel est diffusée l’image des danseurs qui se filment durant leur performance, Stewart nous offre au moins de pouvoir faire le choix d’une perception. Et comme il a parfaitement intégré que la réalité est multiple, il se permet d’aller jusqu’à proposer, en incluant la technologie dans sa chorégraphie, une distorsion du réel. Celle-ci ouvre la voie à de nouvelles perceptions de l’objet et incarne un palliatif à l’utilisation limitée des capacités cognitives et à leur disparité. Stewart, conscient de l’altérité qu’implique son statut d’artiste qui soumet une appréciation subjective, apporte délibérément une autre dimension, parallèle au réel.

Aristote postule avec sa « mimesis » (imitation) que l’artiste est un reproducteur du réel tandis que chez Platon, la « mimesis » est davantage création, art de composition selon Ricœur. Certes, il imite mais il donne aussi lieu à l’art poétique, toute réinterprétation est création. Ici, Stewart rejoint Gide (notamment) sur la réflexion autour de l’illusion réaliste. La restitution par Gide de la réalité ne peut être qu’imitation voire création et non reflet parfait du réel. Pour modéliser son réel (apporter une nouvelle construction temporelle) et tenter d’accroître la proximité entre le public et sa représentation artistique/du réel, son objet poétique, Garry Stewart utilise la vidéo dans sa chorégraphie. Mais le chorégraphe intègre aussi l’art du Tetris (référence au jeu d’arcade) ou Tutting, cette discipline du Hip Hop, inspirée des exercices d’assouplissement de Greg Irvin, dont la vocation est d’imiter les signes hiéroglyphiques. La boucle est bouclée.

Promixity par Garry Stewart, une mise en abyme brillante de la réalité multiple. Une expérience prodigieuse de la danse.